n°17 - Avril 2022

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À la découverte des herbiers à renoncule aquatique

 

Confondus avec les espèces exotiques envahissantes (EEE), les herbiers à renoncules aquatiques sont présents pendant la période estivale dans le fleuve Garonne et sur les cours d’eau d’Occitanie. Inoffensives pour l’Homme, ces communautés végétales sont un refuge pour de nombreuses espèces et contribuent à l’équilibre de l’écosystème aquatique.

 

Un herbier à renoncule aquatique entre Labroquère et Montréjeau (31) - Photo Didier Taillefer/SMEAG

 

« Avec ces fleurs blanches et les nappes vertes qui bougent en fonction du courant, il y a un aspect très esthétique », juge Cécile Brousseau, de l’Association des naturalistes de l’Ariège-Conservatoire d’espaces naturels Ariège (Ana-CEN Ariège). Les « renoncules aquatiques » désignent ici les espèces du genre Ranunculus dont les individus peuvent former avec d’autres espèces des nappes flottantes enracinées appelées « herbiers ». Ils sont présents sur la Garonne et la majorité des cours d’eau d’Occitanie. Pouvant mesurer plusieurs dizaines de mètres de longueur, ils peuvent recouvrir, selon l’environnement, toute la largeur du cours d’eau et s’adaptent aux courants. La renoncule aquatique pousse pendant la période estivale et déploie une « floraison spectaculaire » jusqu’à la fin de l’été. Ses feuilles ont une forme ciselée, une largeur de l’ordre de quelques millimètres et des « feuilles découpées en pinceau ». Les crues automnales déracinent les herbiers mais certains peuvent persister pendant l’hiver.

 

Les herbiers à renoncules sont un lieu de refuge pour quelques espèces et sont classés, à ce titre, comme un « habitat d’intérêt communautaire » (Eur28 : 3260). On y trouve des mollusques, des alevins, des libellules, etc. Inoffensive pour l’Homme et l’environnement, sa forte présence peut interroger les riverains ou provoquer des désagréments pour les usagers de l’eau tels que les pêcheurs, kayakistes, etc. En 2010, « des volontés d’arrachages » s’étaient exprimées pour la rivière Ariège dans le département éponyme. En effet, la plante était considérée à tort comme une espèce exotique envahissante (EEE). « Certains se demandaient si elles émettaient des gaz [potentiellement mortels] comme les algues vertes [en Bretagne] », se souvient encore la responsable scientifique de l’Ana-CEN Ariège, titulaire d’un master recherches en écologie. Aujourd’hui, les populations proches des rivières ariègeoises « se posent moins de questions, il y a une meilleure cohabitation », note la spécialiste en flore et habitats naturels. Dans les Pyrénées, le développement de Ranunculus fluitans vers la montagne semble manifeste mais ne serait pas un phénomène très récent. Déjà présente avant 1969 sur le cours supérieur de la Garonne au-dessus de Barbazan (31) et sur la (rivière la) Pique, elle n’aurait gagné (si les inventaires de 1969 étaient complets) que sur la vallée d’Aure (65) et sur le cours de la Garonne entre Barbazan et Boussens (31). En revanche dans les années 1900, elle n’est pas signalée dans les seuls cours amont où des catalogues de plantes avaient été établis. La progression vers l’amont remonterait au moins à 40 ans. La répartition des renoncules flottantes semble limitée sur les zones de fortes turbulences, notamment les secteurs concernés par le fonctionnement de certaines microcentrales sur la partie basse de la Neste. 

 

Les herbiers à renoncule aquatique peuvent mesurer plusieurs dizaines de mètres - Photo Didier Taillefer/SMEAG 

 

La présence de cette plante à fleurs permet de faire baisser la température de l’eau et de préserver la biodiversité aquatique. De manière plus globale, les herbiers contribuent à améliorer la qualité de l’eau en capturant l’azote et le phosphore contenus dans le milieu aquatique. Néanmoins, la prolifération excessive d’herbiers peut être « révélateur d’un dysfonctionnement » ou « indiquer un déséquilibre » de l’écosystème. Si les causes ne sont qu’au stade des supputations, les raisons de ce dysfonctionnement seraient dues au réchauffement exacerbé des eaux et à la modification fonctionnelle des rivières.

 

En 2005, une étude avait été menée sur cette plante à fleurs mais elle s’est heurtée aux contraintes du terrain. « C’est une communauté végétale peu simple à étudier, toutes ne sont pas accessibles », explique la chargée de projet, et pour cause, il faut s’y rendre en canoë-kayak ou s’immerger dans l’eau. En lien avec des botanistes, une nouvelle étude permettrait d’affiner la répartition des espèces ou encore d’enrichir les connaissances sur les herbiers. En octobre 2021, une publication de travaux principalement dirigés par l’université Paul-Sabatier à Toulouse (31) a permis de faire apparaître que « certaines plantes aquatiques poussent bien mieux en présence de sucres, molécules pouvant être consommées dans le cadre d’un métabolisme mixotrophe ». En clair, les plantes aquatiques ne se nourrissent pas que par la photosynthèse. Une petite découverte qui renforce la nécessité de ne pas entraver le développement de la renoncule aquatique, déjà protégée via Natura 2000.