n°29 - Les Odonates de Garonne

 

BIENVENUE SUR LA VINGT-NEUVIÈME ÉDITION

DES JEUDIS NATURA 2000 GARONNE !

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Odonates de la Garonne

La 29ème édition des Jeudis Natura 2000 sera dédiée à l'un des plus redoutables prédateurs de nos bords de cours d'eau : les Odonates, ou plus communément appelés "Libellules". Espèce assez méconnue, sa présence témoigne pourtant du bon fonctionnement des zones humides. Trois espèces sont inscrites dans le grand site Natura 2000 de la Garonne en Occitanie et sont donc prises en compte dans les projets de restauration des milieux naturels.

 

Qui sont les Odonates ?

Les Odonates sont un ordre d'insectes se distinguant des autres invertébrés par des antennes très courtes. Les larves ont un masque (ou labium) préhensible, muni de deux crochets acérés et les mâles adultes ont deux organes reproducteurs : le premier se trouvant au bout de l'abdomen, classique chez les insectes, et un second au début de l'abdomen, proche du thorax.

Deux sous-ordres composent ce groupe :

- les Zygoptères, des petites libellules frêles (les demoiselles) qui ferment normalement leurs ailes au repos,

- les Anisoptères, plus grands et trapus, qui ouvrent leurs ailes lorsqu'ils sont posés.

Une autre singularité des odonates, qu'ils partagent avec de nombreux autres insectes, est d'avoir une double vie : la première partie du cycle biologique se déroule dans l'eau et la seconde est terrestre et aérienne, comme le montre le cycle suivant.

           

Avec l'apparition de ses deux paires d'ailes, et avant de devenir tout à fait mature sexuellement, la libellule, et particulièrement les Anisoptères, va souvent s'éloigner du point d'eau d'où elle a émergé, parfois sur des kilomètres. Les adultes vont ensuite se retrouver pour l'accouplement et la ponte au niveau des zones humides.

Que ce soient les larves ou les adultes, les libellules sont de redoutables prédatrices ! Elle peuvent capturer et manger de très nombreuses espèces : rotifères, crustacés, moustiques, papillons, d'autres libellules, voire parfois des têtards ou des petits poissons pour les plus grandes larves.

 

Population nationale et régionale

98 espèces de libellules sont actuellement présentes en France métropolitaine. En Occitanie, 78 espèces sont connues, soit 80 % des espèces françaises. La liste rouge des Odonates d'Occitanie (CHARLOT B. & al.,2018) indique qu'un quart des espèces est menacé d'extinction dans notre région. Ce sont en premier lieu les activités humaines qui sont sources d'impacts négatifs comme le drainage, le comblement des mares, les pollutions diverses, l'installation de barrages, l'introduction d'espèces exotiques comme les ragondins ou les écrevisses,...

 

Les espèces d'intérêts communautaires du site Natura 2000 "Garonne, Ariège, Hers, Salat, Pique et Neste"

Trois espèces sont inscrites à l'annexe II de la Directive Habitats (DH), c'est-à-dire, que leur conservation nécessite la désignation de Zones Spéciales de Conservation (ZSC) pour conserver leur habitat, sur ce site Natura 2000 :

- le Gomphe de Graslin (Gomphus graslinii),

- la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii),

- et l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale).

Une 4ème espèce d'intérêt communautaire est présente non loin sur le Tarn, proche de la confluence avec la Garonne : la Cordulie splendide (Macromia splendens). Ces quatre espèces sont protégées en France par la loi : la destruction des oeufs, larves et adultes ou la dégradation de leur milieu sont interdits.

L'Agrion de Mercure est présent dans la moitié ouest de l'Europe et l'Afrique du Nord. Tandis que les trois autres présentent des petites aires de répartition puisque que ce sont des endémiques franco-ibériques.

Sur le site Natura 2000, les principaux noyaux de populations, actuellement connus, se répartissent de la manière suivante :

- le Gomphe de Graslin se trouve en aval de Toulouse et notamment en aval de Castelsarrasin. Le Canal latéral de la Garonne semble constituer une population encore plus grande (hors ZSC). Les parties plus en amont des cours d'eau, vers les Pyrénées, sont sans doute trop fraîches et vives pour cette espèce.

- La Cordulie à corps fin se retrouve assez bien sur le tronçon aval de Castelsarrasin mais aussi la partie avale de l'Ariège et de l'Hers et est signalée ponctuellement sur le Salat.

- L'Agrion de Mercure est plus répandu. On le retrouve régulièrement sur les bras morts, petits ruisseaux et fossés latéraux du sud de la Garonne avec quelques observations intra-vallées pyrénéennes. Une grosse population est présente en plaine d'Ariège, sur les affluents du cours d'eau et de l'Hers.

 À noter que le bassin de la Neste est largement sous prospecté et que les zones de présence de l’Agrion de Mercure et de la Cordulie à corps sont proches de l’inexistante. Pour ce qui est de la Pique, les eaux sont trop froides et torrentielles pour pouvoir accueillir ces trois espèces d’intérêt communautaire. Seuls trois odonates sont présents sur son bassin immédiat : le caloptéryx vierge, les cordulégastres annelé et bidenté (ce dernier est quasi-menacé régionalement).

 

Des espèces discrètes, aux tendances précises mal connues

Les comportements de ces insectes ne permettent que difficilement de les observer sur leur lieu de reproduction. En effet, ils s'éloignent largement de l'eau et les femelles ne viennent y pondre que furtivement. C'est pourquoi la recherche des excuvies (dernière mue larvaire, laissée par la libellule lors de son émergence) est la meilleure méthode pour détecter ces espèces. Leur présence indique une reproduction effective localement alors que l'observation d'un adulte ne permet pas de le prouver.

Cela est un peu moins vrai pour l'Agrion de Mercure car cette espèce est nettement moins mobile et l'observation d'adultes à un endroit donné indique la plupart du temps une reproduction proche.

   

Quelles sont les menaces ?

Ces 4 espèces ont toutes en commun de se développer préférentiellement dans des habitats où l’eau est courante (milieux lotiques). Les 3 Anisoptères (le Gomphe et les deux Cordulies) sont essentiellement liés aux grands cours d’eau, tandis que le Zygoptère (l’Agrion de Mercure) recherche les petits ruisseaux et fossés végétalisés et ensoleillés.

De fait, elles partagent largement les mêmes menaces : l’aménagement des berges, la suppression de la végétation (ripisylve et curage des fossés), les pollutions (organiques, chimiques, thermiques) et leurs effets indirects (eutrophisation) et l’abaissement des niveaux d’eau (pompages agricoles, drainage, changement climatique, artificialisation des sols…).

 

Vers une meilleure prise en compte de ces espèces

La déclinaison régionale (PRA) du plan national d’actions (PNA) en faveur des Odonates est en cours de validation (coord. CEN-Occitanie et OPIE). Leur objectif est de définir les actions nécessaires à la conservation et à la restauration des espèces les plus menacées. Plusieurs d’entre elles concernent nos trois espèces d’intérêts communautaires qui sont ciblées dans le PNA (au total 19 espèces ciblées) et le PRA au sein des cortèges « fleuves, grandes rivières de plaine et fleuves côtiers » et « ruisseaux, fossés et petites rivières ».

Les actions prioritaires sont :

- pour l’axe "amélioration des connaissances", de suivre l’évolution des populations ;

- pour l'axe "gestion et conservation", de prendre en compte les Odonates dans les espaces naturels gérés ;

- pour l'axe "information et sensibilisation", de former les professionnels et de sensibiliser les acteurs du territoire aux enjeux odonatologiques.

Dans ce cadre, une méthode standardisée est en cours d’élaboration au niveau national pour suivre les odonates (notamment Gomphes et autres anisoptères prioritaires) des grands cours d’eau. Ce protocole s’appelle SOGAP et repose sur la prospection de 250 mètres de linéaire de berge (à la recherche d’exuvies) dans une maille tirée au sort aléatoirement. Nature En Occitanie réfléchit actuellement à la mise en place de ce suivi sur la Garonne où les connaissances actuelles demeurent largement imparfaites sur les zones de présence de ces libellules.

 

Natura 2000 une politique opérationnelle en faveur des Odonates

Le périmètre Natura 2000 permet de financer des actions de restauration des milieux naturels, habitats supports pour de nombreuses espèces dont les Odonates.

Un contrat Natura 2000 a été signé en 2020 avec le Syndicat Mixte de la Garonne, Aussonnelle, Louge et Touch (SM GALT) pour restaurer une roselière et reconnecter un bras mort de la Garonne se trouvant sur la commune de Cazères (31), habitat favorable pour la Cordulie à corps fin. Ce site sera utilisé dans le protocole test de suivi des populations d’Odonates lancés par Nature en Occitanie.

Plus à l’aval, sur la commune du Passage d’Agen, l’Agglomération d’Agen s’est engagé en 2022 dans un contrat Natura 2000 de préservation et de restauration d’une saulaie arborescente et d’une roselière en bord de Garonne. Plusieurs espèces d’Odonates sont présentes sur le site dont l’Agrion de Mercure. La préservation de la roselière lui permettra de poursuivre une partie de son cycle biologique, indispensable à son bon développement. Dans le cadre de ce contrat, un partenariat avec la Réserve Nationale Frayère d’Aloses a été établi afin de réaliser des inventaires Odonates sur le site. Les actions envisagées ont pour objectif de limiter la propagation d’essences invasives et ainsi de protéger la roselière, riche en biodiversité.

Pour aller plus loin :

Guide technique national : https://odonates.pnaopie.fr/wp-content/uploads/2014/04/Aborder-la-gestion-conservatoire-en-faveur-des-Odonates-Guide-technique-r%C3%A9duit.pdf

Atlas régional de répartition des espèces (OC'Nat) : https://biodiv-occitanie.fr/

Atlas national de répartition des espèces (OPIE) : https://atlas-odonates.insectes.org/

Le groupe Odonate de Nature en Occitanie : https://www.natureo.org/agir/groupe-odonate/

Lien vers le focus : https://www.smeag.fr/focus/une-charte-natura-2000-pour-preserver-les-bords-de-garonne-au-passage-dagen.html